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12 février 1914 : la déesse du soutien-gorge

Cette semaine, nous vous racontons l’histoire romanesque d’un gros bonnet de l’industrie en général, et vestimentaire en particulier.


UNE ENTRÉE REMARQUÉE DANS LE SAINT DES SAINTS


Mary Phelps Jacob est un pur produit de la haute société new-yorkaise qui, en dépit - ou en raison - de son éducation stricte, aime s’amuser et bousculer les conventions… La jeune femme a tout juste 18 ans en cette belle soirée de 1910 où elle s’apprête à participer au célèbre Bal des débutantes, qui doit marquer son entrée dans le grand monde. Elle enfile sa robe, s'observe dans le miroir… et grimace. La peste soit de ce fichu corset qui l’oppresse et déforme le tissu !

Saisie d’une soudaine impulsion, elle l’ôte, se saisit de mouchoirs, de rubans, d’un fil et d’une aiguille… et esquisse ainsi les contours de ce qui deviendra le soutien-gorge, qu’elle baptise « brassière ». Comme elle l’écrira dans ses mémoires : « cette nuit-là, au bal, je me sentais si souple et si fraîche qu’ensuite, toutes mes amies sont venues me voir. Je leur ai fait jeter un coup d’œil à l’invention… Et à partir de là, nous nous sommes toutes mises à la porter ». Au point qu’elle dépose son brevet ce 12 février 1914.

Rendons à César ce qui appartient à César : les prémices de cet accessoire remontent à la Rome antique. C’est néanmoins elle qui lui donne sa forme moderne. Elle va bénéficier aussi des caprices de l’Histoire. En effet, le déclenchement de la Première Guerre mondiale engendre une pénurie de fer et pousse ainsi la chambre d’industrie américaine à saisir les corsets pour fondre leurs baleines… Résolument avant-gardiste, notre héroïne ouvre à Boston sa propre société de fabrication, la Fashion Form Brassiere Company, dans laquelle ne travaillent… que des femmes. Malheureusement, des débuts laborieux la poussent à la fermer et à revendre le brevet à la Warner Brother's Corset Company pour 1 500 dollars. Laquelle en gagnera 15 millions durant les trois décennies suivantes...


UNE VIE ROMANESQUE


Le reste de sa vie, rythmé par des amours tumultueuses, n’en pas moins fascinant…Mariée en 1915 à un vétéran de guerre alcoolique qui lui donne deux enfants, elle tombe éperdument amoureuse d’un jeune soldat, Harry Crosby. Leur liaison faisant scandale dans la bonne société new-yorkaise, elle divorce en 1922, se remarie et en profite pour s’envoler pour la France et… changer de prénom : elle devient ainsi Madame Caresse Crosby !

À Paris, ce couple très libre devient rapidement la coqueluche de la haute-société, séduite par leur vie bohème aux relents d’alcool, d’opium et de fêtes toutes plus délurées les unes que les autres. Ils y croisent la route de Salvador Dalì, Pablo Picasso, Ernest Hemingway, Henri Cartier-Bresson ou encore Anaïs Nin, et lancent une maison d’édition, Black Sun Press, qui publie des auteurs sulfureux tels que Charles Bukowski, James Joyce ou Lewis Carroll. Ces années dorées prennent tragiquement fin en 1929 lorsqu’Harry et sa maîtresse se tirent une balle dans la tête. Pas de quoi abattre en revanche son épouse qui, avec son héritage de veuve, lance la Crosby Continental Editions, qui publie notamment Hemingway et Faulkner. Le succès la fuyant, elle devient nègre pour des écrits pornographiques que signe Henry Miller ! La situation se gâtant en Europe, elle retourne aux Etats-Unis et, après quelques liaisons plus ou moins tapageuses, y épouse en troisièmes noces un jeune joueur de football… dont elle divorce rapidement. Elle est alors redevenue l’une des étoiles de New-York, entourée des personnalités les plus en vue du moment.

Elle profite néanmoins de la fin de la guerre pour retourner en Europe et acheter à Rocca Sinibalda, en périphérie de Rome, un château en ruines du XVe siècle. Lequel lui confère le titre de princesse ! Elle le reconstruit, le transforme en communauté de jeunes artistes désireux d’œuvrer pour la paix dans le monde… et y mènera une vie des plus débridées jusqu’à son décès le 26 janvier 1970 à 78 ans.

Sources : articles de Slate.fr et Vanityfair.fr


"La carrière d'une star commence quand elle ne peut pas entrer dans son soutien-gorge et finit quand elle ne peut plus entrer dans sa jupe." – Orson Welles


ÇA S'EST AUSSI PASSÉ CETTE SEMAINE :

• 8 février (1919) : une première liaison aérienne est établie entre Paris et Londres
• 9 février (1942) : le paquebot Normandie brûle à New York
• 9 février (1969) : le Boeing 747, surnommé Jumbo Jet, effectue son premier vol aux États-Unis
• 11 février (1854) : les rues principales de Washington sont éclairées avec du gaz de charbon pour la première fois aux États-Unis
• 11 février (1937) : après 44 jours de grève avec occupation d'usines, General Motors admet la représentativité des United Auto Workers
• 11 février (1970) : lancement d'Osumi, premier satellite japonais
• 12 février (1879) : ouverture de la première patinoire artificielle d’Amérique du Nord au Madison Square Garden à New York
• 12 février (1892) : le Français Léon Bouly dépose un brevet pour un "cinématographe"
• 13 février (1804) : le britannique Trevithick fait rouler sa voiture à vapeur sur des rails

Le 07/02/2022