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Cette semaine, dressons le portrait d'un industriel américain qui a laissé son nom dans l'histoire pour le meilleur… mais aussi pour le pire.
Le destin de George Pullman, qui voit le jour le 3 mars 1831 dans l'État de New York, met peu de temps à se dessiner. Son père, mécanicien, trouve en effet un poste sur le chantier d'élargissement du canal Érié. Sa mission : déplacer des maisons pour mieux les réinstaller sur de nouvelles et plus pérennes fondations. Sensibilisé ainsi très tôt à la problématique du transport de logement, le jeune garçon quitte l'école à seulement 14 ans et devient rapidement commercial itinérant pour Albert, son frère ébéniste. Un travail qui l'amène à sillonner le pays, de préférence de nuit, assis dans des trains tous plus inconfortables les uns que les autres. C'est ainsi que lui vient sa grande idée : le wagon-lit.
Mais l'argent étant le nerf de la guerre, il doit attendre d'avoir les moyens de ses ambitions. En 1859, avec Albert, il lance à Chicago une entreprise de travaux publics spécialisée dans la construction d'hôtels. La ville étant construite sur des marécages, suivant la voie tracée par leur père, ils s'illustrent en déplaçant en 1861 sur vérin le Tremont House, un hôtel de briques de six étages. Devenu une gloire locale, George convainc une compagnie de chemin de fer de lui confier deux wagons. Il dépense une fortune dans un prototype qu'il baptise le "Pioneer" – "pionnier" en français -, équipé de banquettes qui se transforment en couchettes, d'un cabinet de toilette avec eau chaude, d'un placard et d'une décoration luxueuse. Seul souci, il pèse 27 tonnes et est doté d'un gabarit qui l'empêche de passer sous certains ponts, ce qui semble sonner le glas de ses espoirs…
C'est pourtant un autre carillon funèbre qui va leur redonner vie. Le 14 avril 1865, le président Abraham Lincoln est en effet assassiné par John Wilkes Booth. Soucieux d'honorer dignement le vainqueur de la guerre de Sécession qui vient d'abolir l'esclavage, le colonel Bowen, chargé de ses funérailles, se laisse convaincre par George Pullman d'utiliser le Pioneer pour transporter son corps à travers le pays et d'aménager au passage les voies ferrées au gabarit du wagon.
Cette tâche funeste accomplie, l'habile inventeur profite des étapes du retour vers Washington pour convier les notables des villes traversées à des réceptions dans le désormais célèbre wagon. Et c'est ainsi que la "Pullman car", avec ses lits rabattables et ses stewards, est adoptée par les différentes compagnies de chemins de fer à travers le pays, permettant à son créateur de fonder la Pullman Company en 1867. Une entreprise qui devient si florissante qu'il construit, au début des années 1880, une ville portant son nom en Illinois qui se veut une solution à la pauvreté et à l’agitation ouvrière…
On aurait pourtant tort de croire que ses voies ne sont pavées que de bonnes intentions. Le caractère paternaliste et omnipotent du "bienfaiteur", qui encadre les pratiques sociales de ses ouvriers, est en effet rapidement pointé du doigt : les journaux indépendants et les réunions publiques sont interdits, des inspecteurs pénètrent dans les foyers pour vérifier la propreté des locataires, les maisons sont différenciées en fonction du statut social des occupants...
Ainsi en 1894 débute ce qui restera dans l'histoire comme la "grève de Pullman". Près de 3 000 employés de la Company entament, le 11 mai, un mouvement en réaction à des baisses de salaire qui paralyse le trafic ferroviaire dans tout l'ouest de Chicago. L'American Railway Union (ARU), le premier syndicat national du secteur, demande à ses sympathisants de boycotter les wagons Pullman, après le refus de l'organisation patronale General Managers Association (GMA) de négocier. La grève gagne tout le pays. En juin, 260 000 cheminots participent au boycott des wagons Pullman. La GMA recrute des briseurs de grève et fait appel à la milice de l'Illinois. Le président des Etats-Unis, Grover Cleveland, autorise les compagnies de chemin de fer à lever leurs propres milices privées.
Plusieurs responsables syndicaux sont arrêtés. Le 6 juillet, deux grévistes sont abattus. En réaction, des centaines de wagons sont incendiés. Les milices ouvrent le feu et font 13 morts et 53 blessés. Le mouvement est réprimé dans le sang. Aussi, lorsque l'inventeur des wagons-lits meurt le 19 octobre 1897 à Chicago à 66 ans, il est enterré de nuit dans un cercueil scellé à l'intérieur d'un caveau d'acier et de béton. Plusieurs tonnes de ciment sont alors déversées pour éviter que sa dépouille ne soit exhumée et profanée.
ÇA S'EST AUSSI PASSÉ CETTE SEMAINE :
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Le 18/10/2021