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IoT - Quand les objets deviennent intelligents

On entend beaucoup dire que les technologies IoT (LoRa, Sigfox, RFID, Wifi, Bluetooth…) permettent aux objets de devenir intelligents et révolutionnent actuellement les process industriels et les services. Est-ce vrai ?

En quoi s'opère concrètement cette mutation et quels bénéfices les industriels, et notamment les PME, peuvent-ils en tirer ?

Philippe de Matteis, Directeur Opérationnel de Connectwave, association fondée par la Direction Générale des Entreprises qui accompagne les industriels dans leurs projets IoT, animait le 7 mars dernier sur Global Industrie Lyon une table ronde réunissant plusieurs industriels pour répondre à ces questions à travers leurs retours d'expérience.

 

LES BÉNÉFICES A TIRER DE L'IOT :  L'EXEMPLE DE SAFRA

 

Safran Electronics and Defense a un positionnement un peu particulier en matière d'objets connectés, souligne Emmanuel Couturier, Chef des programmes Innovation & Digital. Le groupe équipementier aéronautique est en effet à la fois utilisateur et développeur de solutions. Cette dernière fonction a en effet été rendue nécessaire par son besoin de suivre et de collecter de l'information sur les équipements qu'il produit d'une manière qui n'est pas toujours accessible à des gens qui ne sont pas issus du sérail aéronautique.

Aujourd'hui, nombre des avions en circulation ont été conçus dans les années 1970 et 80 mais il est nécessaire d'acquérir de nouvelles données sur eux. Les technologies de l'IoT permettent de récupérer et de manipuler ces données, une nécessité pour le groupe qui vend ses équipements à l'heure d'usage : s'il ne sait pas comment ses équipements sont utilisés, il ne saura pas les vendre et pourra même le faire à perte. Fort de cette expérience, il l'a ensuite utilisée pour la disséminer dans l'ensemble du groupe afin d'aider à développer la connectivité de l'outil industriel. La façon dont est produit un équipement a en effet un impact sur sa durée de vie, son coût, sa maintenance, d'éventuels défauts… Il convient donc de capter de l'information dans les usines. Pour cela, Safran a recours à la fois à des offreurs, mais aussi à des solutions développées en interne.

Le principal usage des technologies IoT pour Safran consiste donc à collecter des informations en temps quasi réel sur le process de fabrication, mais aussi sur le fonctionnement, la maintenance et auprès de ses clients. Les données collectées concernent autant la fabrication que le cycle de vie du produit. Sans oublier la logistique afin notamment de retrouver rapidement des équipements.

 

LES BÉNÉFICES A TIRER DE L'IOT :  L'EXEMPLE DE GRDF 

 

Jean-Philippe Cagne, Directeur R&D Innovation & Data Valorisation chez GRDF, principale entreprise française de distribution de gaz et filiale du groupe Engie, s'est lancé en 2011 dans le projet, titanesque à l'époque, de mise en place de la télérelève de 11 millions de compteurs. Objectif qui sera complètement atteint d'ici deux ou trois ans. Jusqu'à présent, ces compteurs n'étaient connectés à rien d'autre qu'au réseau de gaz ! Il était, de surcroît, hors de question de les relier à une source électrique, ce qui imposait donc d'utiliser des batteries à autonomie longue durée.

Afin de relever ce défi, le groupe a choisi de monter sa propre entreprise de collecte, de transport et de traitement de l'information et a donc créé un réseau avec des antennes dans chacune des 9 000 communes françaises concernées. Ce dernier repose sur la technologie 169 Mégahertz, fréquence libre de droits, peu gourmande en énergie et qui permet de prélever des données jusqu'au cœur des bâtiments. Les compteurs ont été conçus avec des modules de transmission de données dont la batterie peut durer 20 ans. La particularité de ce réseau, élaboré en partenariat avec des industriels, est qu'il appartient en propre à GRDF qui l'exploite pour collecter ses données. Comme le distributeur n'utilise pas toute sa bande passante, il a même décidé de créer une société pour commercialiser celle qui reste disponible, devenant ainsi en quelque sorte un opérateur télécom !

Parmi les autres bénéfices notables, les releveurs n'ont plus besoin de se déplacer et GRDF peut désormais fournir aux clients, par l'intermédiaire de leurs fournisseurs, des données qui leur permettront de faire des économies d'énergie. Objectif qui avait été fixé par la Commission de Régulation de l'Energie lorsqu'elle lui avait accordé les investissements nécessaires pour déployer ce réseau.

 

LES BÉNÉFICES A TIRER DE L'IOT :  L'EXEMPLE D'ONDULYS 

 

Pour Francisco Moreno, Directeur des Systèmes d’information d'Ondulys, entreprise spécialisée dans le secteur de l'emballage et du carton ondulé, l'IoT est partout de nos jours dans l'industrie. Les usines de son groupe se transforment quasi quotidiennement, le câble étant remplacé par les objets connectés, utilisés en temps réel pour le maintien et le suivi des machines, les consommations…

L'une des dernières applications de l'IoT chez Ondulys réside dans la géolocalisation de ses camions, du chargement à la livraison des produits. Ses clients leur imposent en effet des créneaux horaires qu'il faut être sûr de respecter. L'industriel met actuellement en place des HBS, stockages grande hauteur avec des capacités de 22 000 palettes par bâtiment, qui alimentent en permanence 60 remorques et 40 camions. Il lui est donc indispensable de savoir géolocaliser au plus vite ces remorques pour livrer les clients en temps et en heure, et éviter ainsi de rompre la chaîne d'approvisionnement en gérant au plus près leur stock.

Un service spécial, la BI (Business Intelligence), analyse en interne toutes les remontées IoT, que ce soit sur le transport, les machines, les barrières immatérielles…

L'objectif de ce recours à l'IoT est à la fois de satisfaire les clients en s'assurant en temps réel que la production est bien faite et bien livrée, mais aussi d'assurer la sécurité des collaborateurs… L'entreprise produit notamment des cartons d'emballage pour de la nourriture, ce qui suppose de hauts niveaux d'exigence en matière de qualité et de sécurité qu'il faut pouvoir contrôler en temps réel grâce aux milliers de capteurs en place. Le plus gros travail consiste ensuite à savoir comment traiter et sécuriser la masse d'information qui remonte.

 

QUEL EST LE DEGRÉ D'INTELLIGENCE DES OBJETS DANS L'INDUSTRIE ?

 

Pour répondre à cette question, Emmanuel Couturier explique que Safran travaille actuellement sur deux grandes problématiques liées à l'IoT.

 1  - La géolocalisation d'assets :

Comment retrouver des produits et outils dans ses usines. L'intelligence ne se situe pas, dans ce cas, dans l'objet mais dans le système, les capteurs étant limités dans la fréquence d'envoi de leurs signaux par la durée de vie de leur batterie. Ce sont les data scientists qui créent l'intelligence en déduisant, par rapport aux derniers relevés, où se trouve l'objet.

 2  - Le jumeau numérique :

Elle a pour but de connaître l'état actuel et futur d'une pièce actuellement en place sur un avion par exemple, afin d'anticiper une panne ou une dépose. Cela nécessite la connaissance à la fois de la fabrication et de l'usage de l'équipement. Sauf cas très particulier, on ne peut donc pas considérer qu'il y a de l'intelligence embarquée sur un avion, par essence déconnecté car il est en vol. Là encore, ce sont les data scientists qui analysent au sol les données remontées et créent de la valeur.

Dans les deux cas, on ne peut donc pas parler littéralement d'intelligence des objets chez Safran.

De son côté, GRDF travaille sur des objets qui nécessitent très peu d'intelligence puisqu'il ne s’agit que de données de comptage. On est dans la production pure de Datas. Toute l'intelligence réside donc dans ce que les fournisseurs de gaz et les utilisateurs vont faire ensuite d'elles. Néanmoins, le développement du gaz renouvelable va engendrer, d'ici une dizaine d'années environ, 3 à 5 000 points d'ingestion sur le réseau qui nécessiteront de faire correspondre la production et la consommation en temps réel. De l'intelligence sera alors indispensable pour prendre en compte tous les facteurs que cela implique.

Les objets d'Ondulys sont également basiques, fait remarquer Francisco Moreno. Les informations sont majoritairement remontées à la BI pour y être analysées pour la production ou la gestion.

L'intelligence des objets connectés dans l'industrie reste donc, d'après ces témoignages, très limitée. On reste sur une logique standard d'informatique traditionnelle, si ce n’est que l'on démultiplie les capteurs pour alimenter les data lakes (méthode de stockage des données gardées dans leurs formats originaux ou très peu transformées, utilisée par le big data). Lesquels permettent d'analyser des phénomènes plus ou moins complexes ou pertinents pour la bonne marche des opérations. Une tâche compliquée du fait que les sources de données se diversifient de plus en plus. Ceci est dû à la variété et au nombre des réseaux qui les alimentent, mais aussi au fait que certaines data n'ont de valeur que si elles sont croisées avec d'autres, qui peuvent de surcroît être statiques ou dynamiques, ce qui complique encore la tâche…

Ceci explique que faire de l'intelligence artificielle embarquée est très complexe et compliqué, surtout si l'on veut qu'elle soit cohérente avec des mécanismes d'IA déportée (ou au sol). Le fait de porter l'intelligence dans les objets n'en est qu'à ses premiers balbutiements. Cela arrivera, mais ce n'est pas le sens de l'histoire actuellement, conclut Emmanuel Couturier.

 

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Le 22/11/2019