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Que s'est-il passé cette semaine dans l'Histoire de l'industrie ? C'est pour répondre à cette question que nous vous invitons à retrouver, de façon hebdomadaire, un fait historique qui s'est produit ces jours-ci… mais en d'autres temps. Soucieux de vous apporter un peu de fraîcheur en ce beau mois de juin, nous vous racontons aujourd'hui la genèse de l'un des premiers réfrigérateurs, dont le brevet est déposé par un Français il y a tout juste 164 ans.
Ferdinand Carré est un picard pur et dur. Né dans la Somme, à Moislains, le 11 mars 1824, il a pour cadet Edmond qui, comme lui, deviendra ingénieur. Bien que venu au monde neuf ans après, ce dernier est le premier à s'illustrer dans le domaine qui fera la notoriété des deux frères en mettant au point en 1850, âgé à peine de 17 ans, un procédé de réfrigération à base d’eau et d’acide sulfurique. Un projet que reprend son aîné et qui va donner naissance au réfrigérateur à absorption qu'il fait breveter ce 27 juin 1857, au nez et à la barbe d'un certain Charles Tellier, avec lequel il restera en froid toute sa vie.
Il s'agit, dans les faits, d'un système qui repose sur deux liquides : l'eau, utilisée comme absorbant, et l'ammoniac, comme réfrigérant. Une source de chaleur fait tourner le cycle qui permet d'extraire celle située à l'intérieur de l'appareil, en lieu et place du compresseur utilisé habituellement. Ce qui s'avère particulièrement utile, toujours de nos jours, lorsque l'accès à l'électricité est limité – comme dans le cas d'un camping-car - ou lorsque l'on dispose d'une source de chaleur bon marché : soleil, gaz…
Que le réfrigérateur soit à compression ou à absorption, son fonctionnement repose sur l'évaporation d'un liquide à basse température qui permet donc d'absorber la chaleur située à l'intérieur de l'appareil en jouant avec les phénomènes de haute et de basse pression.
Dans le cas de l'appareil inventé par Ferdinand Carré, le phénomène d'absorption crée la basse pression alors que la haute est obtenue par chauffage. Le tout en utilisant deux fluides distincts, un réfrigérant, en l'occurrence l'ammoniac, et un absorbeur qui fait office de compresseur, l'eau.
Et qui dit Picardie dit… bière ! C'est donc en premier lieu dans les brasseries que son invention se déploya avec succès, en particulier celle de Tourtel, à Tantonville en Meurthe-et-Moselle, qui est la toute première à l'accueillir. Elle est en effet capable de produire entre 12 et 100 kilos de glace, selon le modèle. Il exporte alors son brevet aux Etats-Unis et devient célèbre en exposant sa machine à fabriquer d’énormes quantités de glace en continu lors de l’exposition universelle de Londres en 1862. On aurait pourtant tort de croire que les foyers de nos ancêtres ont rapidement été conquis par son système qu'ils battront à froid encore de nombreuses années. Celui-ci demeurera en effet longtemps la chasse gardée de l'industrie, la manipulation de l’ammoniac étant risquée.
Ce qui n'empêchera pas Ferdinand Carré de proposer rapidement à nos aïeuls un système de petit fourneau chauffé au charbon de bois et refroidi par le gaz ammoniac. Lequel, jugé trop complexe, recevra un accueil réfrigérant.
Décoré, comme son frère cadet, de la Légion d'honneur, Ferdinand Carré décède à 75 ans, le 11 janvier 1900, non sans avoir donné son nom au "cycle de Carré", qui décrit le procédé de réfrigération par absorption à deux fluides et deux niveaux de pression, et après avoir apporté une contribution non négligeable à la recherche en électricité, via notamment la mise au point d'un régulateur de lumière.
Le 21/06/2021