GLOBAL
INDUSTRIE
Actualités

Partager sur

La transition écologique au cœur de la plasturgie - Interview de Marc Madec

La transition écologique sera le thème à l'honneur de GLOBAL INDUSTRIE 2020, à travers les trois grands volets que sont l'économie circulaire, l'efficacité énergétique et la mobilité, avec l'électrification et l'hybridation des véhicules. A cette occasion, nous avons interviewé Marc Madec, Directeur Développement Durable de la Fédération de la Plasturgie et des Composites, sur la façon dont sa filière s'est saisie de cet enjeu ô combien important pour l'humanité en général, mais aussi pour l'industrie et sa filière en particulier.

 

 

► EN QUOI LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE EST-ELLE PRIMORDIALE POUR VOTRE FILIÈRE ?

 

L'économie circulaire et l'efficacité énergétique constituent deux axes de travail très forts pour la plasturgie, sur lesquels la Fédération travaille beaucoup. Notre filière est en effet constituée principalement de PME et de TPE qui, tout en ayant une conscience aiguë de l'importance de ces thèmes, voire de leur aspect parfois vital pour leur survie, ont malheureusement bien souvent peu de temps et de moyens à y consacrer. Nous nous devons dès lors de les accompagner.

 

Ces entreprises sont en effet sollicitées à la fois par leurs clients, mais aussi par la société et le monde politique dans leur ensemble, qui leur demandent de proposer des produits plus durables, écoconçus et capables d'anticiper leur fin de vie dès leur conception.

 

A ce titre, l'un des principaux axes de travail de la filière est actuellement celui du recyclage et de la recyclabilité des produits : en produisant de nouveaux plastiques à partir de matières recyclées, on évite le recours aux ressources non-renouvelables, au premier rang desquelles le pétrole, et on limite les émissions de CO².

 

Un autre aspect sur lequel nous les aidons, et qui touche plus spécifiquement le domaine de l'efficacité énergétique, est celui de la production. C'est une évidence : la plasturgie consomme, à ce niveau, beaucoup d'énergie. Il faut donc inciter aider les entreprises non seulement à investir dans des équipements moins énergivores, mais également à revoir leurs process. Ce qui peut parfois s'avérer relativement simple… à condition de disposer des bons outils ! Nous pouvons en citer deux, les Certificats d’Economies d’Energie (CEE) et l’opération de l’ADEME « TPE&PME gagnantes sur tous les coûts ! ».

 

Un autre axe de bataille touchant à la fois au développement durable et à l'écoconception est celui de l'innovation. Elle peut en effet permettre de réduire la quantité de plastique nécessaire en donnant naissance à des pièces à la fois plus légères mais aussi plus résistantes. Leurs clients les y incitent fortement dans quasiment tous les secteurs, que ce soient les transports, avec l'automobile et l'aéronautique, que dans les emballages par exemple.

 

Le rôle de la Fédération est de les guider vers cette évolution de leurs marchés et de leurs produits.

 

 

► EXISTE-T-IL UNE PRESSION SOCIALE ET ECONOMIQUE PARTICULIÈRE QUI PÈSE SUR LA PLASTURGIE ?

 

C'est une évidence. Le "plastic bashing" est malheureusement une réalité, à la fois omniprésente, constante et pesante. Au point de représenter de très gros risques pour certains secteurs.

 

Le bâtiment est ainsi fortement touché, du fait de l'explosion, absolument honteuse et hautement condamnable, des décharges sauvages, largement médiatisées, et dans lesquelles figurent la plupart du temps nombre de déchets de plastiques comme des gaines électriques, des fenêtres…

 

Mais le secteur le plus fortement impacté est certainement celui de l'emballage et des produits à usage unique, comme les gobelets, les assiettes jetables ou autres boîtes du type fast food ou utilisées dans les supermarchés. Ils constituent en effet les produits plastiques les plus communément consommés et donc perceptibles par la population. On s'émeut ainsi rarement de la quantité de plastique présente dans un tableau de bord automobile par exemple, moins "visible" et facile à pointer du doigt...

 

Pourtant, en matière d'emballage, le plastique représente le produit qui correspond le mieux aux besoins des particuliers comme des professionnels de la distribution, par sa compatibilité avec les aliments, sa solidité, sa légèreté et sa transparence qui permet de voir concrètement ce que l'on achète. Mais il n'en demeure pas moins que sa faible durée de vie et le fait qu'on le retrouve jusqu'au fond des océans entraînent une réflexion tout à fait légitime des pouvoirs publics et des professionnels.

 

De nombreuses interdictions ont ainsi été votées aux niveaux français et européen. Au point de remettre en cause les modèles économiques de certains plasturgistes qui voient ainsi leur pérennité menacée. Lesquels considèrent parfois, logiquement, d'un mauvais œil la remise en cause d'habitudes souvent anciennes. D'autant plus qu'ils sont nombreux à investir dans leur outil de travail et qu'ils s'estiment en partie victime du mauvais comportement de certains consommateurs…

 

Mais si l'on peut en effet estimer que l'opinion et les pouvoirs publics ont tendance à reporter injustement la quasi-totalité de la responsabilité environnementale sur les plasturgistes, il ne s'agit en aucun cas pour ces derniers de se défausser de leurs responsabilités. Il leur faut s'adapter, aller vers toujours plus d'écoconception, de recyclabilité et d'intégration de matières recyclées dans leurs nouveaux produits. Ce qui nécessite à la fois de la recherche et de l'investissement dans de nouveaux outils.

 

Là aussi, la Fédération intervient pour aider les entreprises les plus impactées à adapter et diversifier leur production, en travaillant en étroite collaboration avec les pouvoirs publics, en particulier sur la question du financement. L'Etat est en effet bien conscient qu'il lui faut soutenir les industriels concernés par ses décisions politiques, d'autant plus qu'il souhaite bien évidemment conserver le tissu industriel français, déjà passablement mis à mal ces dernières décennies.

 

 

► CONCRÈTEMENT, COMMENT SE MANIFESTE LE TRAVAIL EFFECTUE EN CE MOMENT PAR LA FILIÈRE ET LES POUVOIRS PUBLICS ?

 

Notre but est d'apporter aux professionnels les outils et les compétences qui leur sont nécessaires pour améliorer leurs performances en matière d'écoconception et d'efficacité énergétique.

 

A ce titre, notre principal cheval de bataille actuel, qui constitue d'ailleurs probablement la meilleure arme de réversion du "plastic bashing", est l'incorporation de plastique recyclé dans les nouveaux produits. Nous travaillons ainsi étroitement avec le ministère de l’Économie et des Finances via la Direction Générale des Entreprises (DGE), ainsi bien sûr qu'avec le Ministère de la Transition Ecologique. Notre but : un engagement volontaire de l'ensemble de la filière française dans un projet qui vise à multiplier par trois en 2025 la quantité de ces produits.

 

Sur les cinq millions de tonnes de plastiques produits chaque année, ils n'en constituent actuellement qu'entre 300 et 400 000 tonnes. L'objectif est d'arriver à un million en 2025. Ce qui constitue un effort énorme à fournir en à peine six ans pour la filière, mais cohérent avec la feuille de route européenne : la France représente 10% de la production plasturgique de l'Union qui a fixé à ce même horizon un objectif de 10 millions de tonnes.

 

Avec notre centre technique industriel IPC (Innovation Plasturgie Composite), dont l’un des axes stratégiques est l’économie circulaire, nous travaillons par conséquent tant avec les pouvoirs publics qu'avec la fédération européenne de la plasturgie EuPC sur la qualité des matières mais aussi sur le corpus réglementaire et normatif qui n'est souvent plus adapté aux exigences actuelles. Nombre de ces textes reflètent en effet la piètre considération accordée, lors de leur rédaction, aux matériaux issus du recyclage. Il faut par conséquent les revoir.

 

Autre volet de collaboration avec les pouvoirs publics, celui du nécessaire accompagnement financier de cette transformation de la plasturgie qui remet en cause beaucoup de procédés de transformation traditionnels, contraignant les entreprises à investir dans des moules et autres équipements.

 

Vous le voyez : la plasturgie fait actuellement énormément d'efforts pour faire bouger les choses. Mais chacun doit aussi prendre sa part de responsabilité dans la vie de tous les jours.

 

 

► DE QUELLE FAÇON ?

 

Les pratiques du quotidien doivent aussi changer. Au-delà du problème des décharges sauvages, il faut impérativement améliorer le système de collecte de façon à pouvoir amplifier le recyclage des plastiques auquel notre filière, qui regroupe les transformateurs, s'est engagée.

 

Les pouvoirs publics comme la population doivent également bien comprendre que le plastique joue une part importante dans la transition écologique. C'est une matière qui a beaucoup d'avantages pour répondre aux enjeux de demain, y compris la lutte contre le réchauffement climatique. Ainsi, sans plastiques et composites, il n'y aurait pas de pales d'éoliennes ni de cellules photovoltaïques dans les panneaux solaires, ni de batteries pour les véhicules électriques. Pour réduire la consommation de carburant dans les transports quels qu'ils soient, l'un des enjeux est de réduire le poids des véhicules en remplaçant les parties les plus lourdes faites de verre et de métal. Les nouveaux avions de ligne sont ainsi composés à plus de 50% de matériaux composites, proportion qui ne cesse d'augmenter…

 

On est en plein dans la problématique de la mobilité de demain et la plasturgie se trouve au centre !

 

 

► POUVEZ-VOUS NOUS DONNER DES EXEMPLES D’ACTIONS MARQUANTES ACCOMPLIES PAR DES ENTREPRISES DE VOTRE FILIÈRE ?

 

Je reprendrais le secteur le plus soumis aux critiques : les emballages. Et plus spécifiquement celui des films, qui sont les plus difficilement recyclables. On leur demande en effet d'être à la fois transparents mais aussi de plus en plus fins tout en étant de plus en plus solides… Contraintes en apparence paradoxales qui ne peuvent être surmontées qu'en complexifiant leur composition en juxtaposant plusieurs couches. Ce qui les rend de facto plus difficilement recyclables… Or les plasturgistes ont ainsi accompli ces dernières années de gros travaux afin de parvenir à les produire en monomatériaux. Pour prendre l'exemple de l'agroalimentaire, ils parviennent ainsi à produire opercule et barquette dans la même matière, ne nécessitant donc plus de les séparer et de les traiter différemment : le recyclage est simplifié.

 

Autre exemple, l'incorporation croissante de matières recyclées dans la vie de tous les jours, comme dans le cas des sacs plastiques ou encore des films de palettes ou de fardelage, qui entourent les packs de bouteilles d'eau. Comme vous le voyez, le secteur progresse et ne cesse de se réinventer !

 

 

Une interview réalisée par Christophe Duprez. Un immense merci à Marc Madec pour sa gentillesse et sa disponibilité

Le 21/11/2019