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Le 7 mars 2019 s'est déroulée sur Global Industrie Lyon une table ronde consacrée aux femmes dans l'industrie, co-organisée par le REF (Réseau Economique Féminin), Femmes Ingénieures et EMLyon au Féminin. Si chacun s'accorde en effet à dire que l'industrie gagnerait sur tous les plans, y compris en compétitivité, à s’enrichir de profils féminins, elle tarde malheureusement encore trop souvent à passer des paroles aux actes… Quelles opportunités d’emplois pour quels métiers ? Comment attirer les femmes dans l’industrie ?
Autant de questions débattues à travers les beaux parcours d'Estelle Morelle, BI & Data Management data Scientist dans le Groupe Seb, Delphine Virte, Responsable Essais chantiers systèmes fluides, des automatismes et de l'instrumentation chez Framatome, et Alice Adenis, Data Scientist et CDP IA dans une start-up industrielle.
Dans un contexte de tension des effectifs dans l'industrie, il est particulièrement important de savoir capter de nouveaux talents. Or force est de constater que sur les 3,7 millions d'actifs qui travaillaient dans l'industrie en 2017 selon l'Insee, seuls 29%, soit 1,079 million, étaient des femmes… Avec des variations importantes dans les secteurs, ces dernières étant plus représentées dans le textile par exemple, et nettement moins dans l'extraction minière. C'est dire l'ampleur du travail de promotion de la mixité qui reste à accomplir, à la fois dans et en dehors de l'entreprise, pour tordre le cou aux préjugés, idées préconçues et autres stéréotypes sur les pseudo-compétences des sexes inculqués dès la plus tendre enfance. Ce qu'ont su faire brillamment les intervenantes.
"Travailler dans l'industrie, c'était une évidence" pour Delphine Virte, attirée dès le collège puis le lycée par les technologies, les travaux pratiques et la fabrication manuelle. Intérêt qu'elle a exprimé auprès d'un conseiller d'orientation qui a su la guider vers sa carrière actuelle d'ingénieure dans le nucléaire.
Du côté d'Alice Adenis, le choix s'est fait plus tardivement. Titulaire d'une thèse en géophysique, elle souhaitait du concret, et c'est dans cette optique qu'elle s'est tournée vers l'industrie. Une préoccupation partagée par Estelle Morel pour qui le déclic s'est fait en deuxième année d'école d'ingénieurs à l'occasion d'une visite d'usine chez Renault Trucks.
C'est du moins l'expérience qu'ont vécu les trois jeunes femmes, tout en soulignant le moindre nombre de femmes dans leurs différentes promotions.Delphine garde ainsi d'excellents souvenirs de la filière hydraulique de l'ENSEEIHT de Toulouse, pourtant très majoritairement masculine. Un ressenti identique pour Estelle qui a adoré sa vie estudiantine au sein de Centrale Lyon, alors que les filles ne représentaient que 20% des effectifs et avaient plutôt tendance à s'orienter vers le développement durable quand les garçons privilégiaient l'aéronautique ou l'informatique.
Quant à Alice, qui a fréquenté les bancs à la fois de l'Ecole des Mines de Nancy et de l'ENS Lyon, elle n'a fait l'expérience du sexisme dans ses études qu'à leur toute fin en croisant, dans le cadre de sa thèse, des professeurs "à l'ancienne", parfois plus prompts à lui voler ses travaux qu'à les publier… C'est plus difficile, selon elle, dans le monde industriel, moins sensibilisé à la mixité que le monde académique. Or le travail est à faire dès la prime enfance en cassant les stéréotypes opposant des petits garçons habillés en bleu, bagarreurs et destinés à un travail physique à des fillettes en rose, sages et futures titulaires des tâches ménagères… Même si heureusement les choses sont en train de bouger. Les solutions existent. Delphine Guyard Meyer, conseil en Ressources Humaines et conseil en égalité professionnelle, membre du REF, qui animait la table ronde, souligne ainsi qu'il s'agit :
1 - En externe de promouvoir les métiers et de faire évoluer les représentations (rôle majeur de l'Education nationale, actions en faveur de l'emploi, publicités…),
2 - En interne de promouvoir un environnement de travail serein et bienveillant facilitant l'articulation entre vie professionnelle et vie privée : sensibiliser les collaborateurs aux stéréotypes et à la discrimination, agir sur les RH (recrutement, mobilité, libellés d'emplois, gestion des carrières, formation…).
Les trois jeunes femmes témoignent d'un réel souci en la matière chez leurs employeurs.
Estelle souligne ainsi que Seb a une vraie volonté de faire évoluer les femmes dans le groupe. En règle générale, l'industrie aurait tout à gagner à les intégrer de plus en plus au niveau de la gouvernance des entreprises et à ne plus considérer l'éventualité d'un congé maternité comme un inconvénient et la justification pour un traitement autre que celui d'un homme.
Delphine expérimente également cet état d'esprit ouvert chez Framatome. Elle a ainsi travaillé comme expatriée pendant quatre années réparties en deux séjours sur l'EPR finlandais. A cette occasion, son conjoint a démissionné du poste qu'il occupait alors pour la suivre et n'a eu aucun mal à retrouver un travail sur place qui a constitué in fine une véritable opportunité professionnelle pour lui. Un beau pied de nez au stéréotype de la femme qui quitte tout pour suivre son compagnon ! Désormais de retour en France, ses nouvelles fonctions l'amènent à se déplacer sur des chantiers de maintenance répartis sur tout le territoire, travail aussi chronophage que passionnant. Elle peut ainsi témoigner que l'industrie permet d'adapter son métier à son choix de vie. Si elle souhaite pour l'instant consacrer la majeure partie de son temps à ses fonctions, nombre de ses collègues bénéficient en effet d'un temps partiel. L'erreur serait donc de refuser un métier au prétexte que l'on projette d'avoir un enfant à moyen terme : les opportunités de changement, d'adaptation et d'évolution sont réelles, y compris au sein d'une même entreprise.
Une réalité également chez Seb où, comme le souligne Estelle, les nouvelles technologies facilitant le travail à distance, un accord de groupe permettant une journée de télétravail par semaine a été conclu. Sans parler du temps partiel, également en vigueur au sein de la société.
Enfin, si Alice travaille dans une start-up, avec un temps de travail conséquent, le fait que six des huit salariés soient des hommes avec des enfants amène une vraie tolérance en matière de vie de famille.
Quand on leur demande leurs conseils aux jeunes filles en recherche d'une vocation professionnelle, toutes trois sont unanimes :
" Ne vous autocensurez pas ! Croyez en vos rêves et vos capacités ! Ne pensez surtout pas que parce que vous êtes une fille, telle carrière vous est fermée alors que telle autre vous est réservée… N'ayez pas peur, allez-y ! Renseignez-vous sur les parcours exemplaires accomplis par bien des femmes dans l'industrie et n'hésitez pas à intégrer des réseaux comme le REF pour pouvoir discuter avec elles et ainsi vous rassurer "
Qu'elles mélangent les nations ou les sexes, les études prouvent que les équipes les plus diversifiées sont les plus performantes. Les meilleurs talents sont à piocher partout !
Le 04/12/2019